La Compagnie Internationale des Wagons-Lits (CIWL)
L'audacieuse entreprise de Georges Nagelmakers
En 1870, pour aller d’un pays à l’autre, les changements de trains ne se comptaient pas. Au surplus, le matériel roulant en était resté à son premier stade, et rien n’était prévu pour doter les voyageurs effectuant des trajets importants d’un confort de tout repos.
Il fallut l’audacieuse entreprise de l’ingénieur belge Georges Nagelmackers pour apporter un terme à ce cloisonnement et ouvrir en Europe une ère nouvelle dans le domaine des transports.
Au cours d’un voyage en Amérique, où les wagons-lits étaient en usage depuis plusieurs années, Georges Nagelmackers songe à étendre cette réalisation à notre continent. Il fonde en 1872 à Liège, une société pour l’exploitation de ces nouvelles voitures, qui circulent entre Paris et Ostende d’abord, entre Paris et Cologne, Paris et Vienne ensuite.
Une croissance continue
Très rapidement, le parc s’amplifie et comprend 58 voitures-lits, dont certaines marquèrent un progrès très net sur les premiers véhicules. Encouragé par le succès de sa tentative, Georges Nagelmackers crée, à Bruxelles, le 4 décembre 1876, la Compagnie internationale des Wagons-Lits (devenue peu après la « Compagnie internationale des Wagons-Lits et des Grands Express européens »), société au capital de quatre millions de francs et comptant le roi Léopold II parmi ses principaux actionnaires.
La Compagnie a toujours conservé son caractère de société belge, et ses voitures sont ornées de deux lions affrontés rappelant les armoiries de la famielle royale de Belgique.
l'Orient Express
Depuis 1876, la CIWL crée successivement un nombre croissant de « grands express » reliant les pays les plus divers.
Le premier train qui s'appelait Express d'Orient fut inauguré le 5 juin 1883. Il circulait deux fois par semaine, entre Paris et Constantinople(l'actuelle Istanbul).
Ce train n'était pas direct : la traversée du Danube jusqu'à Roussé (Bulgarie) se faisait sur un bac, puis un second train assurait le trajet jusqu'à la mer Noire. De là, un vapeur conduisait les passagers en quatorze heures jusqu'à Istanbul.
À partir de 1889, la ligne étant achevée jusqu'à Istanbul, le train devint direct.
A l’ « Orient-Express », succédent le « Calais - Nice - Rome-Express », le « Sud-Express », l’ « Ostende - Vienne-Orient-Express » et de multiples autres trains, qui amenent la compagnie à disposer, en 1914, de 1.600 voitures circulant sur tout le continent européen (à l’exception de la Suède et de la Norvège) et en Egypte.
Toujours à l’avant-garde dans le domaine technique, elle inaugure dès 1922 ses premiers trains composés uniquement de voitures métalliques à caisse bleue, présentant un confort inégalé jusqu’alors.
L'âge d'or des Wagons-Lits
C'est entre les deux guerres que la CIWL et l'orient Express connurent leur âge d'or.
Toutes les célébrités et les têtes couronnées voyagèrent sur le Train Bleu, l'Orient Express ou d'autres trains de luxe de la CIWL.
Agatha Christie et d'autres auteurs ont célébré l'Orient Express et ont contribué à la naissance d'un mythe.
A la pointe du progrès, la CIWL investit massivement dans du matériel de plus en plus luxueux. Ce sont les voitures Salon Pullman, les fameuses voitures-lits LX et l'innovation constante au niveau du confort avec des boggies révolutionnaires et autres nouvelles technologies. La décoration provenait des meilleurs artisans du luxe: Lalique, Nelson, Christophle...
La deuxième guerre mondiale
En 1939, la Compagnie des Wagons-Lits posséde un parc de 806 voitures-lits, 661 wagons-restaurants, 133 voitures Pullman, 138 fourgons, soit au total 1.738 véhicules circulant dans 24 pays d’Europe, en Afrique du Nord, en Afrique centrale, en Egypte, en Turquie d’Asie, en Syrie et en Palestine.
Au cours de la guerre de 1939 à 1945, la Compagnie des Wagons-Lits subit plus de dommages encore que pendant le premier conflit mondial. Un grand nombre de ses voitures sont endommagées ou détruites dans toute l'Europe.
Dès 1945, la Compagnie réinstaure la plupart de ses trains et de ses services internationaux d’avant-guerre. Si la situation politique l’a amenée à abandonner les lignes intérieures dans une grande partie de l’Europe centrale, elle fait toujours circuler des trains portant les noms évocateurs d’ « Orient-Express », « Arlberg-Orient-Express », « Simplon-Orient-Express ».
L'après guerre
En 1960, le matériel se compose de 775 voitures-lits, de 328 wagons-restaurants, de 61 voitures Pullman, de 31 fourgons, soit un total de 1.195 véhicules. Avec ce parc, la compagnie enregistre en 1959, 2.172.000 voyageurs de voitures-lits contre 1.350.000 en 1938, et 5 millions de repas contre 3,5 millions.
Enfin, elle a poursuivi l’expérience des « trains-autos », grâce auxquels les automobilistes ont l’avantage, après une nuit de repos, de se retrouver avec leur voiture au seuil des régions touristiques.
Au service du tourisme
Pour complêter ses services internationaux, la Compagnie des Wagons-Lits développe très tôt un vaste réseau d’agences de voyages qui touchent à toutes les branches susceptibles de favoriser les déplacements (billets de chemin de fer et suppléments de voitures-lits, aviation et navigation, automobiles, voyages individuels ou en groupe, location de chambres dans les hôtels, change, etc.)..
Dès les années 1930, grâce aux liens étroits qui l’unissent à « Thos. Cook & Son Ltd », la Compagnie des Wagons-Lits a dans ce domaine une zone d’influence étendue avec plus de 400 agences « Wagons-Lits/Cook » à travers le monde.
Les agents des Wagons-Lits
A bord des trains de luxe de la CIWL, le personnel est appelé agent et organisé en brigades.
Les agents de la compagnie sont au service de la clientèle avec le souci de lui rendre ses voyages plus faciles et plus agréables. Les contrôleurs, les conducteurs de voitures-lits, les serveurs-receveurs des wagons-restaurants et des pullmans, les serveurs, les cuisiniers et les vendeurs ambulants font partie de la grande famille des cheminots.
Les agents de la Compagnie, avec leurs uniformes élégants, jouissent d'une belle réputation auprès du public.
Développements ultérieurs de la CIWLT
Les années 1960 marquent la fin du développement international des activités ferroviaires de la CIWL, à l'exception notable du lancement des voitures-lits de 2ème classe -les fameuses T2. Et dans les années 1980, le gain de l'appel d'offres pour le service à bord des TGV en France.
L'époque des conquêtes de l'Europe et du monde avec les grands Express mythiques de la CIWL est maintenant révolue.
La Compagnie change de dénomination pour devenir la CIWLT, de nouveaux secteurs économiques en développement fulgurant prennent le relais des services ferroviaires, très tôt identifiés par les dirigeants du groupe.
Pour chacun de ces nouveaux secteurs, les filiales deviendront les leaders européens ou mondiaux d'aujourd'hui, le plus souvent après des alliances ou des rachats. C'est sans doute cela qui caractérise encore 150 ans après l'esprit de conquête de la CIWL.
Diversification stratégique
Ces secteurs stratégiques, relais de croissance du ferroviaire seront principalement:
- l'hotellerie, où la CIWLT devient dès les années 1980 un des acteurs majeurs en Europe avec plus de 350 hotels, (aujourd'hui fusionnés dans le groupe Accor, leader européen)
- la restauration collective avec Eurest, développée en JV avec le groupe Nestlé, et qui deviendra co-leader européen et la principale activité du groupe (fusionnée aujourd'hui dans le groupe Compass, leader mondial).
- la restauration de concession avec les restaurants d'autoroute et les concessions dans les espaces publics (largement à l'origine du groupe Elior d'aujourd'hui)
- les agences de voyages, fusionnées dans les années 90 avec Carlson (pour devenir le leader mondial sous le nom Carlson-Wagonlit Travel)
- la location de voiture - Europcar, activité acquise en partenariat avec VolksWagen (leader européen)
- la division ferroviaire, activité historique du groupe, bien que culminant à plus de 10 000 personnes dans les années 1980, devient marginale au sein d'un groupe international.
Rachat de la CIWLT par ACCOR
En 1990, le groupe est devenu un poids lourd diversifié dans le tourisme, la restauration et l'hotellerie présent sur les 5 continents et employant plus de 50 000 personnes, jusqu'à son rachat en 1991 par le groupe Accor à l'issue d'une OPA homérique. Depuis 1991, ACCOR a consolidé systématiquement les activités pour les marier ou les céder par la suite. ACCOR, concentré exclusivement sur les activités hotelières conserve toujours les joyaux hoteliers de la CIWL (dont le Winter Palace ou le Old Cataract en Egypte).
En 1996, soucieuses de protéger ces propriétés intellectuelles, Compagnie Internationale des Wagons-Lits (CIWLT) et sa maison mère ACCOR SA créent Wagons-Lits Diffusion SA avec pour mission d'exploiter les marques et les archives de CIWLT et PLM SA pour les licences et les produits dérivés.
Un mythe apprécié du public
La CIWL reste aujourd'hui un mythe unique dans l'esprit du grand public. Son train le plus célèbre, l'Orient-Express reste synonyme de luxe et de mystère.
Symbolisée par le monogramme doré aux deux lions, la Compagnie des Wagons-Lits continue à véhiculer cette empreinte si particulière et envoûtante pour le grand public.
L'oeuvre de Georges Nagelmakers continue bel et bien à exister à travers cet héritage foisonnant.